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lundi 13 décembre 2010

SABRINA



Y Dor koué ?

Aye, j’ai retrouvé Sabrina, la « cafrine do fé ». Sabrina n’a pas beaucoup changé il faut le préciser. Elle a bien grandi depuis la cour de récré. Elle a pris quelques kilos, normal quand on se laisse aller, mais elle a gardé le même tempérament, le même visage. Derrière ses lunettes de soleil elle est restée aussi sauvage. J’ai juste eu à l’entendre pour me dire « oula mais c’est Sabrina ». Elle arrivait au loin, poussette en main et faisant entendre sa grosse voix. Elle est restée telle que dans mes souvenirs, provocatrice et vulgaire. Une provocation qui ne se limite uniquement pas au vestimentaire, car ce que Sabrina au aussi de très riche c’est son vocabulaire. Sabrina aime les injures, elle en est même imbibée. L’alcool n’est qu’un second allié pour ma copine Sabrina. Si elle pouvait se taire je suis prêt à lui refiler quelques francs CFA. Sabrina est intarissable et quand elle est lancée difficile de pas l’écouter. Depuis toute petite elle s’exprime sans vraiment réfléchir à ce qu’elle dit. Son seul mérite est de pouvoir attiser la foule en faisant beaucoup de bruit. Sabrina hait ceux qui, selon elle sont les responsables de ses malheurs : « le komor ». « Le komor », cet être venu d’ailleurs à qui Sabrina donne tous les torts. « Le komor » n’a aucune excuse, il est coupable même si on devait le déclarer mort. Et Sabrina n’aura aucune pitié pour l’accuser de tous les maux de la société. C’est ainsi que Sabrina voit les choses et ce n’est pas prêt de changer. Dixit Sabrina, « le komor » doit retourner dans son pays, parce que, dit-elle, « le komor » pue, sent mauvais et lui vole son RMI. Sabrina exprime les pires insanités vis-à-vis des comoriens. À coté, « totoche » et « nanguète » sont des caresses donnés à un chien. Sabrina aime à dire qu’il y en a qui sont bien. Heu… les comoriens pas les chiens, mais à condition qu’ils se taisent et qu’ils évitent de croiser son chemin. J’ai retrouvé Sabrina ancré dans son attitude de rejet. Je lui aurai bien jeté un galet mais je ne suis pas sûr de bien viser. Et si en plus je dois me faire arrêter pour l’avoir agressé… La violence faite aux femmes est un sujet d’actualité, alors ce n’est pas le moment de me faire épingler. Sabrina est une femme réunionnaise, une vraie. Une femme libre de débiter ses pensées et tant pis si ça doit blesser. « Le komor » est le bouc émissaire idéal, une plaie, le fautif tout trouvé. Malheureusement Sabrina n’est pas la seule à idéaliser cette horrible idée. Sabrina est une parmi tant d’autres. Elle n’est qu’une parmi les autres. Sabrina ne m’a pas reconnu assis sur mon banc. Prise dans ses railleries, elle n’a pas remarqué le garçon avec qui elle jouait enfant. Au pire si elle m’avait sollicité je l’aurai ignoré sans pour autant être arrogant, car finalement, si Sabrina est aussi conne aujourd’hui, c’est qu’elle a grandi dans un milieu rempli d’abrutis. Sabrina a des enfants…. J’espère qu’ils ne seront pas le reflet de leur maman…