Pages

dimanche 25 août 2013

J'AI VU...


Y dor koué ?

J’ai vu une feuille
Une toute petite feuille
Portée par le vent
Décolorée par le temps
Le vert a laissé place au gris
Sa mort a prit le pas sur sa vie
Elle s’envole au loin, fragile
Elle se laisse porter, tranquille
J’ai vu un arbre
Un tout petit arbre
Cassé à quelques endroits
Saignant de tout son bois
La sève coule le long du tronc
Il fera bientôt le bonheur du bucheron
Ses racines perdent de leur force
La douleur se lit sur son écorce
J’ai vu une forêt
Une toute petite forêt
Ravagée par le feu
Gisant sur le sol rocailleux
Mais la nature reprend toujours ses droits
Et tel le Phoenix de ses cendres elle renaitra
Beaucoup plus forte et majestueuse
Beaucoup plus belle et merveilleuse
J’ai vu une montagne
Une toute petite montagne
Pleine de sentiers
Où il fait bon randonner
De Cilaos à Mafate
La ballade peut se faire en savate
Il fait parfois bien frais
Surtout à la nuit tombée
J’ai vu mon île
Une toute petite île
Métissée et colorée
Chaleureuse et ensoleillée
La mer et le ciel se sont unit
Pour protéger ce petit coin de paradis
Les dieux cohabitent sur ce caillou
Au nom Réunion amer et doux
Et je t’ai vu toi
Au milieu de tout ça
Pétillante et touchante
Surprenante et déroutante
Des sentiments qui n’ont cessé de grandir
Jusqu’à susciter des projets pour l’avenir
La lune est témoin de nos escapades
Un assortiment de douceur livré en cascade
Simplicité des mots
Pour exprimer ce qu’il y a de plus beau
L’amour

mardi 12 février 2013

JOUR DE L'AMBANJA

Y Dor koué ?
Il est là, assis, adossé à un pan de mur bien effrité. Un léger sourire égaye son visage que la nature a bien marqué. Il est là, paisible, le regard droit et plein de sagesse. Il dégage une quiétude qu’on reçoit comme une douce caresse. Aujourd’hui il a des invités dans son humble demeure. Des étrangers qui d’habitude sont source d’inquiétude et peur. Des gens dont il n’a aucune connaissance à part leurs origines. L’homme a la couleur locale, peu bavard mais il a bonne mine. La femme a la peau blanche, celle qui attire toute les curiosités. Tous deux partagent donc en ce jour de l’an un copieux déjeuner.
« Tu ne peux pas aller dormir chez la chèvre ou le cabri, seul un être humain peut héberger un autre être humain » Voilà comment cet hôte d’un jour résume son sens de l’hospitalité. Car tout avait mal commencé pour nos deux complices attablés. Ils ont eu la sublime idée de faire Nosy Bé – Diégo le premier jour de l’an. Ils y ont pensé un peu avant en estimant que c’est un mauvais plan. Un pari risqué mais c’est ça l’aventure ils se sont dit. Au port d’Hell Ville ils ne sont pas seuls mais ils constatent les restes de la nuit. Le gestionnaire du port les accueille ivre de fête et bière à la main. Il titube grandement tout en parlant et il n’est que 9h du matin. Ses collègues et camarades de beuverie  sont dans le même état. Bourrés à ne plus savoir quoi faire avec tous les passager qui sont là. L’énervement justement se fait sentir entre les différents passagers. Ils sont nombreux visiblement et seulement deux navettes amarrées. Ça se bouscule, ça crie légèrement, tout le monde veut une place. Ankify est à 45 minutes et pas question d’attendre la marée basse. Les tarifs sont revus à la hausse malicieusement. Ceux qui ne peuvent payer resteront à quai malheureusement. Pour nos deux aventuriers le vent à semble t’il tourné. Sans qu’ils aient déboursé les voilà subtilement embarqués. Ni vus ni connus ils sont installés pour la traversée vers Ankify. Un léger frisson dans le dos juste par crainte d’être surpris mais le voyage est sans encombre et sans un sous dépensé. C’est sûr que dorénavant ils feront la grasse matinée le 1er janvier. Maintenant il faut trouver un taxi pour aller à Diego. On regarde à gauche, on regarde à droite et résultat : zéro. Rien… rien à part ce gars là, venu avec sa voiture personnelle. Une voiture qui sert aussi de taxi et pas de manière occasionnelle. 5 places à bords mais lui assure qu’il peut en transporter plus. 5, 6, 7, 8 et c’est parti pour Ambanja à la recherche d’un taxi bus. Sauf que le 1er janvier même les restaurants sont tous fermés. Pareillement pour les hôtels qui affichent quasi tous complets. Alors après avoir déposé ses autres passagers, le taximan lance à nos 2 compères cette invitation venue d’ailleurs. Une invitation qui surprend par sa grandeur mais que l’on sait issue du cœur : venir déjeuner à son domicile avec l’ensemble de sa famille. Il n’a prévenu personne et pourtant l’accueil ne se fait pas sans bruit. Cris de joie, bras ouverts, embrassades pour rassurer. Wawa, vidéo et musique à fond la télé pour faire danser. L’ambiance est festive en ce début d’année. Quoi de mieux quand on failli rester à quai.
« Tu ne peux pas aller dormir chez la chèvre ou le cabri, seul un être humain peut héberger un autre être humain » Voilà donc comment cet hôte d’un jour résume son sens de l’hospitalité.
Il s’appelle Siaka et il est chauffeur de taxi à ses heures perdues. Des heures qui ont transformé une rencontre en petit bonheur absolu. Des souvenirs inoubliables au sein d’une famille qui ne demandent rien en retour, a part juste garder le contact pour qu’on puisse se revoir un jour. Le contact sera maintenu, il ne peut en être autrement. Un simple merci est tout simplement insuffisant. La rencontre est belle et mérite qu’on y porte la plus grande attention. Ne plus se perdre de vue car Ambanja est maintenant pour nous une magnifique destination…

mercredi 30 janvier 2013

VAZAHA DE NOSY BE

Y Dor koué ?
 
Assis à la terrasse d’un bar je regarde vivre la rue. Elle s’anime petit à petit pendant que je commande un steak de zébu. Première constatation, les filles de Nosy Bé et alentours sont de sorties. Cheveux lissés et bien coiffés, maquillage à outrance et faux cils, robe moulante, short jean serré, dressées sur talon aiguilles, décolleté laissant entrevoir une poitrine généreusement fournie, le tout agrémenté d’une démarche qui laisse imaginer ce que sera la nuit. La chasse est ouverte et le gibier ne se cache pas en forêt parmi les lémuriens. Ici on l’appelle « le vazaha » et il est principalement français ou italien. Âgé en moyenne de 50 à 80 ans, retraité ou actif et semble t’il fortuné, il a la peau blanche (obligatoirement) et l’appétit sexuellement endiablé. La musique rameute les quelques égarés. L’alcool coule à flot au Taxi Bé. Ambatolouk entame une nouvelle nuit de folie. Je remarque que les vazahas n’ont fait aucun effort quant à leurs habits. De toute façon les filles s’en fichent car ce qui compte c’est qu’ils aient des ariary. De bons gros billets verts estampillés 10000, qui leur donne le sentiment d’être les maîtres de la ville. Les jeunes filles jouent sans retenue de leur charme pour séduire ces tristes vieillards. Les corps se touchent laissant subtilement quelques espoirs. L’espoir et la certitude pour le vazaha de ne pas finir la nuit seul. L’incertain  espoir pour la jeune malgache d’avoir mis la main sur un trésor pour elle seule. Je croise certains regards nullement gênés de la situation. De l’aveu même des habitants il n’y a pas besoin de grandes explications. Le vazaha occupe une place privilégiée dans l’esprit des filles malgaches. Des garçons ont l’honneur d’occuper un bon emploi et pourtant ils ont l’impression de faire tâche. Ils ne peuvent rivaliser face à des êtres qui d’un claquement de doigt occupe le terrain sexuel. Ni leur ventre bedonnant, ni leur état avancé de décomposition ne freinent ces filles en quête d’amour éternel. Alors la nuit le malgache résigné reste tranquillement chez lui, laissant l’aire de jeux à de vieux blancs fatigués et aigris. La rue se vide tout doucement. Les noctambules s’amassent vers le Djembé tranquillement. A l’intérieur de la boite c’est l’effervescence. Il faut boire, danser, s’amuser à titiller les sens. Cette nuit c’est sûr il n’y aura aucune pitié. Celle qui aura joué les saintes ni touche rentrera bredouille, non accompagnée. Pour les autres le vazaha est le grâle absolue. De l’or à deux jambes qu’il faut faire marcher jusqu’au mariage voire plus. Ambatolouk connaitra bientôt quelques naissances. Des enfants attendus comme pour sauver d’une misère qui fait preuve de résistance. La mort attend aussi quelques couples ainsi formés. Trop jeune, trop vieux, trop d’écart pour que subsiste un amour facilement acheté. Mais tant pis, la nuit prochaine on remet les compteurs à zéro. On ressortira la robe moulante au raz des fesses pour un nouveau numéro. La chasse sera de nouveau ouverte. Le vazaha peut dormir tranquille il ne sera pas traqué telle une bête. Il jouit d’un statut spécial, d’un passe droit, qui lui ouvre les portes de cœurs en plein émoi. Sans doute un jour la révolte sonnera. Les malgaches sortiront de leur réserve pour prendre le pouvoir. Ils arriveront à conquérir ces femmes qui les fuient sans un regard. Ils feront d’elles leur compagne malgré la présence des vazahas. Un jour sans doute mais d’ici là la tolérance vaudra pour acceptation. L’économie donne à la situation un goût proche de la normalisation. Le malgache sait se contenter de peu depuis sa naissance. Et il y a d’autres batailles à mener ne serait-ce que pour se remplir la panse. Alors les vieux vazahas qui souhaitent à tout prix fuir les clubs 3ème âge de France et d’Italie, peuvent venir à Nosy Bé, ils y seront très bien accueillis.