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dimanche 29 mai 2011

DISPARAITRE A LA POSTE


Y Dor koué ?

A la Poste il règne un air de déjà vu. Une ambiance habituelle, une manière de travailler bien connue. A la Poste le client n’est pas un roi. De toute façon s’il est là c’est qu’il n’a vraiment pas le choix. Personne n’y est par envie ou parce qu’il a du temps à perdre. S’y rendre relève plus de l’obligation, la tuile énorme, la grosse merde. Et quand on y est c’est comme une maison qu’on connait comme sa poche. On sait où trouver chaque meuble, pas très beau et les guichetières, très moches. A la Poste on ne peut pas dire qu’il n’y a pas de personnel. Si, si, il y en a, il y en a même à la pelle. En fait ils sont tellement nombreux qu’ils ne savent plus quoi faire. En tout cas ils ne font pas ce qu’il faut pour satisfaire le client en colère. Venir à la Poste c’est accepter l’idée de faire la queue longtemps, très longtemps. Je vous conseille de dire au revoir, voire même adieu à votre famille, vos enfants. Prévoyez une bonne barquette à manger et de l’eau, beaucoup d’eau. Prévoyez même une chaise ou un lit surtout s’il est transportable de dos. La lampe de poche est justifiée au cas où la nuit venait à tomber. Mais pas trop d’inquiétude à ce niveau, la Poste est suffisamment éclairée. Si vous ne craignez pas de rester debout c’est parfait, soyez juste patient, un jour ou l’autre vous finirez par avancer. Pas la peine de vous mettre en colère ça ne règlera pas le problème. D’ailleurs la Poste n’à que faire de vos jérémiades alors restez zen. Ils sont capables de se mettre en pose quand arrivera votre tour. Le postier est rancunier et il sait que vous reviendrez un jour. Enfin si déjà vous sortez vivant de cette expédition. Ça fait 4 ans que je ne retrouve plus mon chat. J’ai cru qu’on me l’avait enlevé pendant que je regardais Koh-Lanta, mais je sais maintenant qu’il doit être égaré dans une Poste du quartier. J’irai bien le chercher mais à la Poste j’ose même plus y mettre les pieds. Point positif c’est aussi à la Poste qu’on retrouve ses vieux amis. Des amis qu’on croyait perdus mais qui en fait font la queue depuis des décennies. Alors on en profite, on se raconte nos petites histoires d’antan, quand on embêtait les gens avec nos conneries d’enfants. On se raconte ce que l’on est devenu depuis tout ce temps. Comment nous, on a réussis à aller de l’avant, et pourquoi d’autres ont pu finir en prison. La Poste c’est vraiment l’endroit rêvé pour se perdre dans ses pensées. Il arrive qu’on se rappelle du pourquoi on s’est déplacé. Un timbre, un mandat cash, un coli à récupéré, ou peut-être une lettre en recommandée. Mais s’en souvenir ne veut pas dire que vous allez avancer. Celui qui est juste devant, vous a déjà souhaité deux fois la bonne année. Car c’est ça la dure réalité, on est à la Poste les gars et on n’est pas prêt d’en réchapper

samedi 21 mai 2011

LA FÊTE A MAMAN


Y Dor koué ?

Comme chaque année on va fêter les mères. Oui d’abord les mères, ensuite seulement viendra la fête des pères. La parité aurait sans doute voulue qu’on les célèbre tous deux ensemble, mais pour rien au monde on aimerait que l’homme et la femme se ressemblent. La nature est ainsi faite, l’homme offre les cadeaux, la femme les reçoit. De tout temps de toute façon on a toujours fêté la mère comme il se doit. La mienne j’ai tardé, trop tardé à lui offrir de superbes bouquets de fleurs. Elle aurait aimé je le sais. Elle aurait aimé que je lui fasse un petit achat avec mon argent économisé. Elle aurait aimé n’importe quel cadeau car elle n’est pas difficile ma mère. Elle a suffisamment galéré pour ne pas réclamer des présents d’hommes d’affaires. Sauf que moi mes cadeaux à moi c’était sueur froide et bien souvent des cris de douleurs, quand ce n’était pas des pleurs parce que j’étais l’image même de la déception. Un fils ingrat qui préférait la rue à la vie de famille à la maison. Pas évident d’y rester quand les potes vous interpellent façon « y Dor koué ? Alors tu descends ». C’est comme à l’armée, quand on vous appelle il faut répondre présent. Jouer à la bonne marmaille ça donnait plus mauvaise réputation. Honte sur toi surtout si ta mère crie ton petit nom par le balcon. Alors sitôt descendu on courrait vite sur le terrain du collège, parce que très vite nos mères étaient tentées de nous prendre au piège. Mes sœurs, alors en école primaire, se chargeaient loyalement de faire le nécessaire. Quelques beaux dessins et autres poésies ramenés faisaient largement l’affaire. Mon frère lui avait mieux à faire que de soucier de la fête des mères, parce que tout comme moi il en voulait à la Terre entière. On s’est bien défoulé depuis, c’est bon on s’est dégagé de toute notre colère. On a pris quelques années supplémentaires, on a vieilli, on s’est assagi, mais une seule évidence, notre mère est restée aimante pour mes sœurs, pour moi, pour lui. Un amour unique et grandissant qu’elle a maintenu pour tous ses enfants. Un amour qu’elle a su donner et partager sans réclamer le moindre franc. J’ai beaucoup de regret et bizarrement elle ne m’en veut pas. J’aimerai rattraper toutes ces journées perdues, lui dire pardon pour ne pas avoir été là. Absent quand il fallait juste lui dire bonne fête maman. Autant d’absence qu’elle a su excuser chaque jour, chaque année durant. Pas de petits mots signés comme dans un carnet de liaison. Que des gestes d’attentions au dehors comme à la maison. Elle est venue, je l’ai vue et j’ai rien compris c’est ça le problème. Alors avant que la vie ne me fasse son tour de magie je veux dire à ma mère oh combien je l’aime. Bonne fête à vous les mamans et bonne et heureuse fête à la mienne…

jeudi 5 mai 2011

DU RÊVE AU DELIRE


Y Dor koué ?

Ayé, tout le monde est à sa place, le décor est planté. Samedi c’est soir de match, rien n’est laissé au hasard, tout est calé. Musique d’ambiance pour chauffer la salle pendant que le MC rappelle les informations générales. Le rouge et le blanc vont s’unir 2h durant pour satisfaire un corps arbitral extrêmement exigeant. Les fautes on les connait par cœur, et faire de la prison ne nous fait pas peur. On est aguerri, entrainé à évoluer en toutes situations. On est déjà au taqué, prêt à jouer sans aucune hésitation. Il n’y aura aucun retard de jeu de signalé, ça va déchirer tellement on est motivé. Ceux qui n’auront pas réservé regretteront d’avoir manqué cette soirée. Début du match, le thème est donné d’une catégorie libre, d’une durée de 5mn et d’un nombre de joueur illimité. L’improvisation est mixte c’est l’arbitre qui l’a décidé. Elle aurait pu être comparée mais c’est son choix et on ne va pas discuter. En 20 secondes c’est adopté, on a une idée du plan de jeu. Au coup de sifflet on est ensemble dans la patinoire, notre aire de jeu ; Elle entre avec une posture, une intonation de voix, qui marquent déjà son personnage. Ma gestualité lui renvoi une image, elle lit mon émotion sur mon visage ; On se regarde l’air de pas se voir, on est en accord sur l’action à mener. Le cadre est tout trouvé, on va se la jouer dramatique, un choix du cœur par amour pour cette thématique. Pas de mauvais gout dans nos commentaires. Chaque geste respectera le cadre règlementaire.
Elle en a rêvé toute la nuit, toutes ces nuits, des nuits entières à se voir championne de Ste-Marie. La danse classique c’est tout ce qu’elle a voulu faire. Elle a tout sacrifié pour se faire une belle carrière. En face d’elle je suis le candidat pressentie au titre suprême. J’ai beaucoup d’ambition, je me défini même comme un danseur de l’extrême. Je suis loin d’être modeste, bien au contraire j’annonce même ma prochaine réussite. Elle, confiante en ses qualités, se présente devant un jury au regard noir l’air pessimiste. Elle s’est préparée depuis si longtemps à répéter ses gammes qu’elle s’oblige à rester concentrer, à garder la flamme. En attendant, sur un autre tableau, je patiente en coulisse à me pavaner devant des dames. Je suis sûr de moi, j’ai déjà la tête à la fête qui suivra. Elle s’élance dans sa prestation que je regarde d’un œil narquois. Le jury reste attentif à la justesse de sa chorégraphie. Elle ne commet aucune erreur, c’était déjà son premier défi. Elle peut espérer intégrer l’Académie, envisager son avenir différemment. Elle n’aurait plus à subir les moqueries d’un ami qui ce soir est d’ailleurs absent. A mon tour je me présente devant un jury impassible face à mon air fier. Cette place à l’Académie est pour moi je n’ai pas à m’en faire. Je m’avance avec assurance pendant qu’elle guette de ma part un décrochage. Mon jeu de jambe peut faire preuve de rudesse mais je reste élégant tel un danseur sur un nuage. Mon aisance provoque chez elle de la rage d’autant que des applaudissements viennent clôturer mon passage. Je me vois déjà signer le contrat tant attendu. Dans mon clan c’est l’euphorie et j’imagine que pour elle c’est le coup de massue. Après avoir délibérer longuement le jury convoque les candidats ; Elle se présente tremblante, presque sans voix. Pour ma part j’ai déjà diffusé ma victoire écrasante dans tous les médias. Le jury annonce leur sélection pendant que l’on se regarde. Elle tombe alors à genou en pleure, elle s’effondre. Je reste debout presque ahuri, les yeux dans le vide, pensif. Elle se relève tout doucement, fixant le jury qui a tranché dans le vif. En 10 secondes, elle leur dit merci et s’en retourne en coulisse. Je comprends alors péniblement que j’ai perdu ma place à l’Académie au bénéfice d’une Miss. Inacceptable je me dis, et c’est honteux que je regagne mon camp pendant qu’elle se délecte de ce contrat qui récompense ses années d’entrainements.
Le point sera rouge ou blanc ce n’est pas très important. Du rêve au délire, du délire au rêve il n’y a qu’un pas qu’un groupe d’ami franchit continuellement. L’impro ce n’est pas toute notre vie. Ça reste notre plaisir partagé avec envie chaque lundi. Les catégories vont s’enchainer encore et encore, nous donnant l’occasion de démontrer que l’impro c’est l’alliance de l’esprit et du corps. Le public nombreux, sera conquis comme à l’accoutumé. Il n’en a pas toujours été ainsi à nos débuts à St-André. Tout le monde est à sa place, le décor reste planté. C’est la fin du match et on est content pour les étoilés. Du rêve au délire, du délire au rêve il n’y a qu’un pas. Je ne sais pas pour vous mais moi j’y vais de ce pas…

mercredi 4 mai 2011

A LA CROISEE DES CHEMINS


Y Dor koué ?

Ayé, à la croisée des chemins il se passe bien des choses surtout la nuit. Dans le noir étoilé il y en a qui profite du sommeil des autres pour agir sans bruit. Tels des ninjas ils se faufilent rapidement entre les buissons. Il faut être discret, ne pas se faire remarquer pour mener à bien sa mission. Tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. La cible ne se doute de rien, il dort avec les siens. Il est loin d’imaginer ce qui l’attend demain à la croisée des chemins.
La croisée des chemins est un lieu diabolique en tous cas pour certains. Là où on y voit que faits maléfiques, eux y voient le moyen de changer le cours d’un destin. L’idée est toute simple, faire en sorte que tous se sentent concernés. Et ça marche car l’être humain reste faible qu’il soit croyant ou athée. Personne n’ose rouler par-dessus cette préparation trop souvent attribuée aux malbars. Une préparation à base de fruits pourris et d’os de poules noires. Un démoniaque mélange délicatement laissé à vue à la croisée des chemins.
La croisée des chemins c’est apparemment là que se retrouvent les dieux. Moi je dirais qu’elle attire tous les démons des cieux, mais à dire cela je risque de me récupérer un cadeau au bout de ma rue. La crainte de l’inconnu engendre des comportements très inattendus. C’est sans doute pour cela qu’il y en a qui passe leurs nuits à surveiller de leur balcon. Ils sont aux aguets, cachés derrière leurs rideaux à jouer les espions. Ils observent le moindre mouvement de leur maison à la croisée des chemins.
La croisée des chemins est un passage obligé. Le petit sorcier made in Réunion croit dur comme fer que son ennemi viendra à y passer. Le sortilège fera alors son petit effet sur le pauvre malheureux. Il va être envouté, pris au piège pour avoir regardé une volaille ensorcelée dans les yeux. Il va subir la colère impitoyable de la déesse « Chiasse ». La chance va l’abandonner à moins qu’il se rende à la chapelle d’en face. Sa guérison dépendra du sachet alimentaire qu’il devra déposer à la croisée des chemins.
A la croisée des chemins il y a ceux qui viennent pour punir. Mais si on regarde bien on verra aussi ceux qui viennent pour se repentir. Le malheur des uns doit absolument faire le malheur des autres. Si je suis dans la merde c’est sûrement de sa faute. Peu importe pourquoi et comment ça ne peut pas être autrement. Quelle souffrance quand je vois autant de vie chez mon voisin. Qu’il savoure en silence, cette nuit je lui exprimerai ce que je pense à la croisée des chemins