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jeudi 5 mai 2011

DU RÊVE AU DELIRE


Y Dor koué ?

Ayé, tout le monde est à sa place, le décor est planté. Samedi c’est soir de match, rien n’est laissé au hasard, tout est calé. Musique d’ambiance pour chauffer la salle pendant que le MC rappelle les informations générales. Le rouge et le blanc vont s’unir 2h durant pour satisfaire un corps arbitral extrêmement exigeant. Les fautes on les connait par cœur, et faire de la prison ne nous fait pas peur. On est aguerri, entrainé à évoluer en toutes situations. On est déjà au taqué, prêt à jouer sans aucune hésitation. Il n’y aura aucun retard de jeu de signalé, ça va déchirer tellement on est motivé. Ceux qui n’auront pas réservé regretteront d’avoir manqué cette soirée. Début du match, le thème est donné d’une catégorie libre, d’une durée de 5mn et d’un nombre de joueur illimité. L’improvisation est mixte c’est l’arbitre qui l’a décidé. Elle aurait pu être comparée mais c’est son choix et on ne va pas discuter. En 20 secondes c’est adopté, on a une idée du plan de jeu. Au coup de sifflet on est ensemble dans la patinoire, notre aire de jeu ; Elle entre avec une posture, une intonation de voix, qui marquent déjà son personnage. Ma gestualité lui renvoi une image, elle lit mon émotion sur mon visage ; On se regarde l’air de pas se voir, on est en accord sur l’action à mener. Le cadre est tout trouvé, on va se la jouer dramatique, un choix du cœur par amour pour cette thématique. Pas de mauvais gout dans nos commentaires. Chaque geste respectera le cadre règlementaire.
Elle en a rêvé toute la nuit, toutes ces nuits, des nuits entières à se voir championne de Ste-Marie. La danse classique c’est tout ce qu’elle a voulu faire. Elle a tout sacrifié pour se faire une belle carrière. En face d’elle je suis le candidat pressentie au titre suprême. J’ai beaucoup d’ambition, je me défini même comme un danseur de l’extrême. Je suis loin d’être modeste, bien au contraire j’annonce même ma prochaine réussite. Elle, confiante en ses qualités, se présente devant un jury au regard noir l’air pessimiste. Elle s’est préparée depuis si longtemps à répéter ses gammes qu’elle s’oblige à rester concentrer, à garder la flamme. En attendant, sur un autre tableau, je patiente en coulisse à me pavaner devant des dames. Je suis sûr de moi, j’ai déjà la tête à la fête qui suivra. Elle s’élance dans sa prestation que je regarde d’un œil narquois. Le jury reste attentif à la justesse de sa chorégraphie. Elle ne commet aucune erreur, c’était déjà son premier défi. Elle peut espérer intégrer l’Académie, envisager son avenir différemment. Elle n’aurait plus à subir les moqueries d’un ami qui ce soir est d’ailleurs absent. A mon tour je me présente devant un jury impassible face à mon air fier. Cette place à l’Académie est pour moi je n’ai pas à m’en faire. Je m’avance avec assurance pendant qu’elle guette de ma part un décrochage. Mon jeu de jambe peut faire preuve de rudesse mais je reste élégant tel un danseur sur un nuage. Mon aisance provoque chez elle de la rage d’autant que des applaudissements viennent clôturer mon passage. Je me vois déjà signer le contrat tant attendu. Dans mon clan c’est l’euphorie et j’imagine que pour elle c’est le coup de massue. Après avoir délibérer longuement le jury convoque les candidats ; Elle se présente tremblante, presque sans voix. Pour ma part j’ai déjà diffusé ma victoire écrasante dans tous les médias. Le jury annonce leur sélection pendant que l’on se regarde. Elle tombe alors à genou en pleure, elle s’effondre. Je reste debout presque ahuri, les yeux dans le vide, pensif. Elle se relève tout doucement, fixant le jury qui a tranché dans le vif. En 10 secondes, elle leur dit merci et s’en retourne en coulisse. Je comprends alors péniblement que j’ai perdu ma place à l’Académie au bénéfice d’une Miss. Inacceptable je me dis, et c’est honteux que je regagne mon camp pendant qu’elle se délecte de ce contrat qui récompense ses années d’entrainements.
Le point sera rouge ou blanc ce n’est pas très important. Du rêve au délire, du délire au rêve il n’y a qu’un pas qu’un groupe d’ami franchit continuellement. L’impro ce n’est pas toute notre vie. Ça reste notre plaisir partagé avec envie chaque lundi. Les catégories vont s’enchainer encore et encore, nous donnant l’occasion de démontrer que l’impro c’est l’alliance de l’esprit et du corps. Le public nombreux, sera conquis comme à l’accoutumé. Il n’en a pas toujours été ainsi à nos débuts à St-André. Tout le monde est à sa place, le décor reste planté. C’est la fin du match et on est content pour les étoilés. Du rêve au délire, du délire au rêve il n’y a qu’un pas. Je ne sais pas pour vous mais moi j’y vais de ce pas…

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