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mercredi 30 janvier 2013

VAZAHA DE NOSY BE

Y Dor koué ?
 
Assis à la terrasse d’un bar je regarde vivre la rue. Elle s’anime petit à petit pendant que je commande un steak de zébu. Première constatation, les filles de Nosy Bé et alentours sont de sorties. Cheveux lissés et bien coiffés, maquillage à outrance et faux cils, robe moulante, short jean serré, dressées sur talon aiguilles, décolleté laissant entrevoir une poitrine généreusement fournie, le tout agrémenté d’une démarche qui laisse imaginer ce que sera la nuit. La chasse est ouverte et le gibier ne se cache pas en forêt parmi les lémuriens. Ici on l’appelle « le vazaha » et il est principalement français ou italien. Âgé en moyenne de 50 à 80 ans, retraité ou actif et semble t’il fortuné, il a la peau blanche (obligatoirement) et l’appétit sexuellement endiablé. La musique rameute les quelques égarés. L’alcool coule à flot au Taxi Bé. Ambatolouk entame une nouvelle nuit de folie. Je remarque que les vazahas n’ont fait aucun effort quant à leurs habits. De toute façon les filles s’en fichent car ce qui compte c’est qu’ils aient des ariary. De bons gros billets verts estampillés 10000, qui leur donne le sentiment d’être les maîtres de la ville. Les jeunes filles jouent sans retenue de leur charme pour séduire ces tristes vieillards. Les corps se touchent laissant subtilement quelques espoirs. L’espoir et la certitude pour le vazaha de ne pas finir la nuit seul. L’incertain  espoir pour la jeune malgache d’avoir mis la main sur un trésor pour elle seule. Je croise certains regards nullement gênés de la situation. De l’aveu même des habitants il n’y a pas besoin de grandes explications. Le vazaha occupe une place privilégiée dans l’esprit des filles malgaches. Des garçons ont l’honneur d’occuper un bon emploi et pourtant ils ont l’impression de faire tâche. Ils ne peuvent rivaliser face à des êtres qui d’un claquement de doigt occupe le terrain sexuel. Ni leur ventre bedonnant, ni leur état avancé de décomposition ne freinent ces filles en quête d’amour éternel. Alors la nuit le malgache résigné reste tranquillement chez lui, laissant l’aire de jeux à de vieux blancs fatigués et aigris. La rue se vide tout doucement. Les noctambules s’amassent vers le Djembé tranquillement. A l’intérieur de la boite c’est l’effervescence. Il faut boire, danser, s’amuser à titiller les sens. Cette nuit c’est sûr il n’y aura aucune pitié. Celle qui aura joué les saintes ni touche rentrera bredouille, non accompagnée. Pour les autres le vazaha est le grâle absolue. De l’or à deux jambes qu’il faut faire marcher jusqu’au mariage voire plus. Ambatolouk connaitra bientôt quelques naissances. Des enfants attendus comme pour sauver d’une misère qui fait preuve de résistance. La mort attend aussi quelques couples ainsi formés. Trop jeune, trop vieux, trop d’écart pour que subsiste un amour facilement acheté. Mais tant pis, la nuit prochaine on remet les compteurs à zéro. On ressortira la robe moulante au raz des fesses pour un nouveau numéro. La chasse sera de nouveau ouverte. Le vazaha peut dormir tranquille il ne sera pas traqué telle une bête. Il jouit d’un statut spécial, d’un passe droit, qui lui ouvre les portes de cœurs en plein émoi. Sans doute un jour la révolte sonnera. Les malgaches sortiront de leur réserve pour prendre le pouvoir. Ils arriveront à conquérir ces femmes qui les fuient sans un regard. Ils feront d’elles leur compagne malgré la présence des vazahas. Un jour sans doute mais d’ici là la tolérance vaudra pour acceptation. L’économie donne à la situation un goût proche de la normalisation. Le malgache sait se contenter de peu depuis sa naissance. Et il y a d’autres batailles à mener ne serait-ce que pour se remplir la panse. Alors les vieux vazahas qui souhaitent à tout prix fuir les clubs 3ème âge de France et d’Italie, peuvent venir à Nosy Bé, ils y seront très bien accueillis.

3 commentaires:

  1. j'adore !! Tu écris vraiment bien wapeou :) bisous
    *

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  2. Y dor koué? Merci à toi Anonyme...

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  3. pou la peine ou la laisse à nou presqu'un an sans nouvelle ou na un not devoir !
    répète cent fois : j'écrirai un billet mensuel, j'écrirai un billet mensuel...

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