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jeudi 3 décembre 2009

TOMBER, SE LEVER ET COURIR



Y Dor koué ?

Ayé, je me suis retenu de lui foutre un bon coup de pied. Tranquille comme à mon accoutumé, je profite d’une pause bien méritée. Pas de cigarettes à grillées, je ne fume pas, je tiens trop à ma santé. Les minutes s’égrainent rapidement, c’est toujours comme ça quand on prend du bon temps. Pas le temps d’apprécier, de se soucier de ce temps qu’on me prend que déjà c’est gâché par l’arrivée d’un misérable à deux pattes. Un énergumène bien énervé qui veut absolument qu’on se batte. « Oué gar, ou fé l’hom, alon souk in kou !! » Bizarre comme tout d’un coup le temps devient lourd, c’est fou. Il s’assoit face à moi jambes écartées, le jeans légèrement déchiré, le tee-shirt salopé par des traces bien incrustées. Il a le regard vif, l’œil du tigre comme dans Rocky. Sauf que lui c’est loin d’être Rocky, c’est plutôt…lui, musclé comme un crayon et prêt à courir au moindre bruit. Mais il me connait l’animal, il sait que je ne suis pas un sauvage. Il connait ma patience, comment je suis capable de rester là à l’écouter verser sa rage. Alors il ose, il se permet, il crache son venin, il trouve du courage. Quel courage ! L’expression ne vient pas de moi mais d’une bande de joyeux improvisateurs, qui savent, eux, se battre avec la plus grande des fureurs, dans le respect de l’autre de manière très théâtrale. Et c’est justement ça la force de ce gringalet que j’ai envi d’envoyer à l’hôpital. Il joue et je trouve même qu’il ne joue pas si mal. Je reste muet face à ses provocations, ça l’irrite, il insulte de plus en plus mais aucun mot je lui réponds. Ses poings se serrent, certainement qu’il est déterminé. En fait c’est ce que je veux, c’est ce que j’attends, alors qu’est ce que tu fais ? Fais moi plaisir, lève toi et marche, viens vers moi. Tranquille comme à l’accoutumé, de moi c’est ce qu’il voit, mais s’il bouge le petit doigt, qu’il lève juste les bras, et tranquille sera juste le souvenir qu’il gardera de moi. Mais j’ai la chiasse en ce moment. Il ne m’a pas donné l’occasion de tester mes chaussures renforcées sur ses dents. Être calme, rester calme en toute circonstance, voilà ce qu’on m’a appris durant mon existence. Je voulais un peu m’énerver, gouter à ce sentiment bien particulier. Lui montrer au moins un court instant qui je suis en réalité pour qu’il garde en mémoire que le sourire souvent affiché, peut laisser place à un visage qu’il ne peut imaginer. Il est resté assis toujours jambes écartées. Il a gâché le film que je me suis fait, où je l’ai vu se plier en deux pour me supplier. Le jiu-jitsu pas sur qu’il connaisse, et pourtant j’aurai voulu lui montrer les clés possibles avec ses propres tresses. Dommage, il a raté là l’occasion d’apprendre quelque chose, surtout que je lui en veux d’avoir ruiné ma pause. Tranquille comme à mon accoutumé, devant lui je suis finalement resté planté. Lui, il est resté encore un moment avant de s’en allé. Je l’ai vu détaler comme un lapin lorsqu’il a compris qu’il pouvait prendre un pain, une main, un poing. Ça court vite quelqu’un qui craint. Je me suis à peine retourné qu’il avait déjà disparu au loin. Il reviendra je le sais, j’en suis même certain. S’il oubli cet épisode je me ferai une joie de lui dire que je n’oubli rien. La conclusion je vais l’écrire avec lui avec de l’encre indélébile. C’est ça le deal, pas de prise de note séparément, trop facile. La lecture n’en sera que plus lisible, sans rature ni Blanco. Pas d’incompréhension au bout du stylo, on prendra le temps de choisir nos mots. Tout sera réglé c’est la promesse que je lui fais. Parce que toujours tranquille comme à l’accoutumé, je garde en tête la merveilleuse idée qu’un jour je puisse l’aider…

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